Le transport routier: 120.00 entreprises, 15% des recettes fiscales de l’Etat
« Au Maroc, le transport routier génère 6% du PIB et 15% des recettes fiscales pour l’Etat. Il emploie plus de 300.000 personnes et représente environ 120.000 entreprises. Il s’agit donc d’un secteur très important, puisque sans lui, il n’y aurait pas d’activités économique et sociale », a souligné M. Dib, lors de son intervention.
« Malheureusement, ce tissu d’entreprises était déjà fragile avant la pandémie, compte tenu de sa structure. Il est constitué de petites, voire de micro-entreprises, dont 86% réalisent un chiffre d’affaires qui ne dépasse pas les 3 millions de DH par an ».
« C’est un secteur qui connaît également beaucoup d’informel », a-t-il ajouté. En effet, « 260.000 véhicules utilitaires seulement sont enregistrés au niveau du registre national des transporteurs, alors que le fichier national des véhicules au Maroc en compte 900.000. La différence entre ces deux chiffres relève de l’informel. Il s’agit donc de personnes qui opèrent en dehors du registre national des transporteurs ».
« Le transport routier est aussi très corrélé au PNB national. Lorsque celui-ci croit, le transport croit encore plus et inversement. Selon différentes études réalisées en ce temps de pandémie, le PNB du Maroc va subir une baisse entre 7 et 12%. Le transport va donc subir également une baisse, mais beaucoup plus accentuée. Elle est estimée entre 12 et 20% de l’activité ».
« Il s’agit donc d’un secteur déjà fragile, et qui a été encore plus fragilisé par la pandémie ».
Du côté des employeurs, faisant partie de la commission du CVE qui analyse les dossiers du secteur du transport routier, « on a remarqué qu’il y a une grande différence entre le nombre de salariés déclarés à la CNSS et celui des véhicules exploités par les mêmes entreprises. Environ 80% du personnel ne sont pas déclarés, et donc la majorité des conducteurs n’ont pas pu bénéficier de l’aide de 2.000 DH octroyée par le gouvernement durant les trois premiers mois de crise ».
Selon M. Dib, « le transport de personnes a subi un choc de l’offre, puisque le transport des voyageurs entre les villes a été interdit durant le confinement. En revanche, le transport du personnel a subi un choc de la demande, puisque plusieurs entreprises et unités industrielles, qui faisaient appel à ce type de transport, étaient fermées par décisions administratives, ou après la découverte de foyer épidémique ».
« Quant au transport de marchandises, il n’a subi qu’une baisse de la demande, puisque la circulation était autorisée malgré les nombreuses restrictions ».
Par ailleurs, « le transport de voyageurs internationaux a été beaucoup plus touché par la crise. Les entreprises sont à l’arrêt depuis plusieurs mois, et n’ont pas bénéficié de l’aide du CVE. Ces sociétés ont fait de grands investissements pour l’achat d’autocars, qui coûtent relativement cher. Certaines sont au bord de la faillite« .
Dans la logistique, un énorme potentiel de progression à saisir
M. Ech-Chabbi s’est pour sa part arrêté sur les difficultés rencontrées dans le secteur de la logistique. « C’est un secteur transversal qui dépend énormément des autres secteurs d’activité. Il y a donc une très forte corrélation entre l’impact de la crise sur les activités économiques, sur la production, les services, le tourisme, l’agriculture et l’industrie… et son impact sur le secteur de la logistique. Une relance de ces activités aura ainsi un impact positif sur la logistique ».
« Au-delà de cette corrélation, ce secteur présente un énorme potentiel de progression, indicateurs à l’appui, et ce, même avant la crise ». Aissam Ech-Chabbi cite ainsi trois exemples:
– Le coût de la logistique / PIB, qui se situe entre 18% et 20% selon les années. « Il y a un énorme effort à faire pour réduire ce coût, qui varie entre 12% et 15% dans les pays matures logistiquement ».
– Le taux d’externalisation des activités logistiques, « qui se situe entre 14 et 15% au Maroc, alors qu’il avoisine les 60% dans les autres pays matures logistiquement ».
– Troisième point, « on est très loin des millions de m2 de transaction en immobilier logistique réalisés dans les pays matures logistiquement ».
Comment la chaîne d’approvisionnement a été maintenue au Maroc?
« Il y a deux grandes composantes de la chaîne d’approvisionnement », a relevé M. Mellakh. « La première, en dehors des frontières nationales, dépend de beaucoup d’aléas, notamment de la cadence de production dans les pays émetteurs. Sur ce volet, il y avait des perturbations sur certains produits, en raison de l’arrêt de la production »
Ce phénomène n’est cependant pas propre au Maroc. « Dans un contexte de confinement global et généralisé, tous les pays ont eu des problèmes pour s’approvisionner en certains produits, tels que le matériel informatique qui arrive principalement de la Chine. Suite au confinement, les livraisons ont été retardées ».
« Cette chaîne est donc difficilement maîtrisable, surtout en temps de crise. La tendance actuelle est de les raccourcir, rapatrier et localiser les unités de production pour éviter d’avoir des chaînes longues et donc des délais de livraison longs. Cela pourrait profiter au Maroc, d’autant plus que nos partenaires commerciaux en Europe sont favorables à cette optique ».
« La chaîne d’approvisionnement domestique commence quant à elle par le point frontalier, et principalement les ports. Les autorités portuaires ont mobilisé les équipes et les moyens nécessaires pour assurer une gestion normale du trafic. Le T2 de 2020 a même connu une hausse pour les produits de première nécessité, comme les céréales ».
Ainsi, « malgré la consommation exceptionnelle qui a suivi la décision du confinement, tous les points de commerce étaient approvisionnés, ce qui montre qu’au Maroc, il y a un réseau et une façon de faire qui marche bien, qui a peut-être besoin d’être améliorée, mais qui a fait ses preuves en temps de crise ».
Un autre intervenant a pour sa part rappelé le rôle joué par l’épicier, « pour bien desservir tous les quartiers, et atteindre la totalité du territoire national ».
Basculer sur le digital et vite
Toujours d’après Hicham Mellakh, « plusieurs leçons ont été tirées de cette crise: il faut basculer sur le digital et vite, il faut réfléchir à comment peut-on diversifier le transport, former les conducteurs à se diversifier et à aller dans différents systèmes de transport », mais le plus important est « la sensibilisation des entreprises à la déclaration de leurs employés. Pour que la concurrence soit loyale aujourd’hui, il faut baisser, au maximum, l’informel, et l’accompagner pour travailler dans de meilleures conditions ».
Ce membre de la CGEM a également présenté quelques propositions sur le volet fiscal qui pourrait encourager cette transition. « Le coût du transport des marchandises prend en considération trois points essentiels: l’achat du camion, le carburant et l’autoroute. Bien que ce soit une idée complexe à mettre en place, mais sur le gasoil, on pourrait permettre aux opérateurs du secteur formel de récupérer la TIC, et sur l’autoroute, on pourrait leur proposer des réductions ».
M. Dib pense également qu’il faudrait agir sur la fiscalité pour drainer une partie de l’informel vers le secteur formel. « Le secteur du transport routier contribue à hauteur de 15% dans les recettes fiscales, alors qu’en termes d’investissements, il est moins bien loti. Il y a une certaine injustice. On vient d’ailleurs de lancer une étude pour examiner de près le côté fiscal de l’entreprise de transport, pour voir si ce système est cohérent avec la stratégie du ministère ».
Transport de marchandises: le contrat-programme peine à voir le jour
Lors de ce webinaire, le représentant du ministère du Transport est revenu sur le contrat programme pour le transport de marchandises, qui peine à aboutir. Il a ainsi pointé du doigt le problème de représentativité dans le secteur. « Il existe plus de 70 représentations professionnelles, ce qui nous pose problème pour se mettre d’accord sur un projet unique pour l’ensemble du secteur ».
« Le ministère de l’Equipement a repris le travail depuis fin 2018 pour proposer un contrat-programme pour la profession, toutes catégories confondues », a rappelé M. Dib. « Ce projet est prêt, mais les discussions piétinent », regrette-t-il. « On n’arrive pas à avoir un accord pour le moment. Il s’agit pourtant d’un projet ambitieux, qui vise à remettre à niveau le secteur, ainsi que les compétences et le savoir-faire au niveau managérial. Ce contrat-programme propose aussi la mise en place d’un conseil national de transport, et d’un observatoire de transport ».
Ce retard est expliqué par une différence dans les intérêts du formel et de l’informel, selon Hicham Mellakh. « Malheureusement, on ne peut pas contenter tout le monde ».
« Les acteurs de l’informel veulent des choses qui n’ont pas de sens aujourd’hui. Il y a également le problème du tonnage. Il est impossible de discuter avec des gens qui disposent de camions de catégories différentes. Les problèmes sont différents et les demandes aussi. On ne peut donc pas signer un contrat-programme avec tous les acteurs de la profession, y compris l’informel. On doit, a mon avis, accompagner ces derniers, avec d’autres critères ».
Qu’en est-il du Made in Morocco?
« C’est une tendance mondiale, et avec cette crise, c’est légitime » estime M. Ech-Chabbi. « Tous les pays remettent en question leur autonomie industrielle ».
« Dans un pays, pour avoir un équilibre économique, il faut avoir d’un côté la consommation et d’un autre la production locale, qui crée une réelle valeur ajoutée. Un pays ne peut pas tout importer. Il doit avoir des secteurs où il est pionnier et compétitif. A travers une logistique compétitive, il peut parvenir au niveau interne à encourager le made in Morocco, avec des chaînes de distribution internes, modernes et avec davantage de traçabilité et de sécurité, pour alimenter les marchés de façon pérenne et professionnelle ».
Les intervenants de ce webinaire sont d’accord pour le Made in Morocco, « à condition que ce ne soit pas une manière de protéger l’entreprise marocaine de la concurrence. Les sociétés doivent rester compétitives à l’international. Le Maroc a choisi d’être une économie ouverte et libre, il ne faut pas revenir en arrière ».